Heaven Forest, d’Andréa Deslacs

Auteur : Andréa Deslacs
Genre : Gaslamp fantasy Public : adulte

En cette fin du XIXe siècle, l’Empire de Double Breytain vit une révolution industrielle réfrénée depuis l’exploitation du manaschiste, combustible fossile issu des mines de Heaven Forest. Adieu le dieu charbon, la fée électricité répand ses bienfaits sur le monde grâce à l’ange manaschiste !
Ce siècle est celui des mutations : celles de la science et du mode de vie, mais aussi celles des gens… On note en effet de plus en plus d’anomalies physiques parmi les habitants de Heaven Forest. Cependant, cela préoccupe bien moins les autorités que de lutter contre les trafics de manaschiste afin de préserver les bénéfices des grandes sociétés. Ainsi pour renforcer les effectifs de police et combattre la criminalité galopante de Darkwood, l’inspecteur détective Rhys Overlake est muté dans cette vaste cité portuaire dédiée au commerce du précieux minerai.
Chargé dès sa première nuit de devoir résoudre un meurtre sordide et d’enquêter sur un botaniste sans histoire, comment Rhys aurait-il pu prévoir qu’il plongeait dans une croisade entre les mondes ?

Heaven Forest est un cycle de Gaslamp fantasy. Il se trouve ainsi à la croisée entre uchronie XIXe, polar fantastique, steampunk, dark fantasy, et fantasy urbaine.
Le récit se déroule dans un univers victorien où le progrès scientifique s’est emballé lors des dernières décennies, donnant ainsi l’impression à une compression temporelle des années 1880 à 1910.
Longtemps isolé par les rebords abrupts de son cratère, le duché de Heaven Forest ne s’est ouvert au reste du monde qu’avec la volonté de l’impératrice d’exploiter le manaschiste de ses mines. Le duché a donc développé pendant des siècles ses propres mythes et le choc culturel attend tout autre Breytain arrivant en ville.
La légende prétend en effet que le manaschiste serait issu d’une grande forêt originelle. Celle-ci aurait été détruite suite à la chute de météorites sur la Terre, alors que Dieu voulait séparer le monde bleu du brouillon sur lequel Il avait fait Ses premiers essais. La religion du Thésaurus raconte ainsi le combat millénaire entre les saints humains – à qui la Terre aurait été donnée en premier – et les anges féeriques – qui voulaient que la planète bleue soit partagée avec les créatures magiques qu’ils protègent.
Dans ce monde oscillant entre science et croyances, qui aurait pu imaginer que la pièce maîtresse de cette guerre qui se prépare en coulisse serait ce mort sur lequel la police enquête ?

Darkwood est le premier tome du cycle Heaven Forest d’Andréa Deslacs, auteure de l’imaginaire déjà publiée pour de nombreuses nouvelles.

Plus d’informations sur : Le site de l’auteur

Dans une Double Breytain en plein bouleversement industriel, l’effervescence règne autour du manaschiste, combustible fossile dont l’utilisation révolutionne le monde en cette fin de XIXe siècle. Au cœur du duché de Heaven Forest, peu importent les mutations sur la population qu’engendre son exploitation. Les autorités ont d’autres priorités, telle la sécurité des cargos du port où la mafia sévit.

Ainsi, quand le cadavre mutilé d’un inconnu est retrouvé à distance, on confie l’affaire – certes singulière, mais de peu d’importance – à l’inspecteur détective Rhys Overlake, arrivé le jour même en ville. Et si cette enquête s’avérait bien plus complexe qu’un malheureux fait divers sordide ?

 
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Extrait

— M’sieur !

Le gamin dépassa Rhys, effectua un véloce demi-tour et s’arrêta devant la personne qui venait juste de passer derrière lui.

— Pour vous ! expliqua le porteur de la missive à l’inconnu.

— Pour moi ? s’étonna l’interpellé. Merci, mon garçon.

L’homme adressa un sourire au petit coursier et récupéra le courrier. Il lut l’inscription à son dos, hocha la tête, puis retourna le pli. Aucun cachet ne scellait la lettre. Le gentleman cala son élégante canne en métal ouvragé sous son bras afin de libérer ses mains, puis il retira d’un geste expert ses gants et les glissa dans ses poches. Il enfila alors un doigt dans la fente prévue sur le côté de l’enveloppe. Il la déchira et prit connaissance de son contenu.

— Qu’est-ce que…

Dans un mouvement surpris, l’homme pivota à cent quatre-vingts degrés : le garçonnet avait disparu. Sa brutale rotation amena les pans de son long manteau à fouetter violemment les jambes de Rhys. Le bout de la canne frappa sa rotule et le coup lui arracha un cri tandis qu’il ployait. Il lança les mains et attrapa l’avant-bras droit de l’inconnu pour s’empêcher de tomber, ce qui déstabilisa à son tour l’individu. Il leur fallut une seconde pour rétablir leur équilibre mutuel.

— Pardon, je suis confus !

— Cela n’est rien, l’excusa Rhys alors qu’ils mettaient fin à leur embrassade accidentelle.

Il entreprit de réajuster sa tenue : il réaligna les plis de son manteau brun au-dessus de sa chemise et repositionna son chapeau melon qui avait glissé lors du heurt. L’inconnu par contre ne s’était pas occupé de son apparence, son regard gris balayait la rue.

— Disparu… souffla-t-il. Une vraie ombre.

— Il aura déjà reçu sa pièce pour vous donner ce courrier, suggéra Rhys en ramassant l’enveloppe.

Elle avait échappé aux mains de son propriétaire lors de leur bousculade. Elle n’avait aucune particularité à part la blancheur parfaite de son papier et le tracé élégant de deux mots à l’encre d’un violet sombre. Else Other, quoi que cela puisse signifier.

Quatre nouveaux cadavres sont retrouvés noyés à proximité des docks. L’inspecteur Oeverlake est persuadé que ces morts sont intimement associées à son enquête sur Else Other. À la recherche d’indices, il lui faut plonger, seul, dans un quartier réputé pour sa criminalité et sa mafia.
Sur le port, l’agitation règne déjà. Chacun affûte ses armes, prêt à défendre ses valeurs et son territoire. Le culte local du Thésaurus évoque un combat millénaire entre les Saints des humains et les Anges des brouillons. Or, toute légende se base sur un fond de réalité. Certains mutants de Heaven Forest auraient-ils autre chose dans leur veines qu’un sang purement humain ?

Dans ce contexte troublé, que va-t-il advenir du Cerf ?
 
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Extrait

Salomon adressa un petit geste de paix et un sourire aux baldies qui surveillaient l’attroupement. Ils lui répondirent d’un hochement de casque amical. Il ne s’attarda pas auprès d’eux et traversa sans attendre le cordon de sécurité. Une fois de l’autre côté de la démarcation, sa grande silhouette invita les curieux du premier rang à s’écarter pour lui laisser le passage. Il continua en direction du Northway et de sa passerelle d’accès, s’arrêta à côté d’Overlake et le détailla.
Le lieutenant n’avait pas bougé, n’avait pas tourné la tête pour voir qui se tenait si près de lui et obstruait ainsi la lumière du réverbère du quai le plus proche. Avec son chapeau melon incliné vers l’arrière de son crâne, aucune ombre ne venait masquer les yeux singuliers de Rhys. Ses pupilles s’étaient dilatées en deux soleils noirs qui semblaient percer les profondes ténèbres de l’océan.
Salomon grimaça. Il n’appréciait pas le regard fixe et étrange de Rhys. Il aurait préféré que le lieutenant détaille plutôt l’horizon, les toits des entrepôts et de la ville.
« Overlake »… Cependant, il se trouve au-dessus de la mer et non du lac. Je n’aime pas ça. Où est Airon ? C’est lui le spécialiste en tout ce qui concerne les mutations liées au manaschiste et les légendes urbaines de Heaven Forest ! Moi, je ne connais que quelques contes populaires, et il ne faut pas m’interroger sur les passages les plus lointains et complexes du Thésaurus. Par contre, je sais une chose : je dois éloigner le lieutenant de là. De la vue de l’eau…
Son attention reportée sur les vagues, Salomon constata avec une certaine stupeur que le tube submersible à manaschiste s’avérait si puissant que, malgré la distance, les flots révélaient parfaitement les secrets de leurs profondeurs. Les badauds sur la passerelle du Northway suivaient les actions des nageurs avec encore plus de facilité que les baldies sur les quais.
Il cessa son observation des plongeurs pour reprendre celle de son supérieur hiérarchique. Au-delà de ce regard vide, rien n’animait les traits creusés d’Overlake pour leur rendre leur habituelle humanité. Salomon se sentit mal à l’aise face à ce visage d’autant plus exsangue que la courte chevelure du détective – repoussée en arrière par le vent marin – tirait vers l’ébène et se confondait avec la nuit. Une réelle inquiétude s’empara du géant roux et il posa sa grande main sur le bras de l’inspecteur.
— Lieutenant Overlake ? l’appela-t-il avec douceur pour sortir le rêveur de sa transe.
Il ne perçut pas le moindre frémissement sous la manche qu’il serrait. Pas d’élan surpris, pas de signe non plus qu’il avait été entendu. Il s’apprêtait à réitérer sa question quand son supérieur s’enquit d’une voix atone :
— C’est un troisième corps qu’ils remontent ?
Toujours pas d’émotion sur son visage, aucun mouvement.
— Je n’ai pas le droit de vous informer, soupira Salomon. Nous sommes entourés de gens, je vous le rappelle.
Dieu, que cette nuit le fatiguait ! Il avait retiré sa main du bras de l’inspecteur amorphe et se la passa dans sa grande tignasse d’un geste las. Il nota le discret hochement d’acceptation de la part de son interlocuteur. Celui-ci fixait toujours le lieu de la noyade.
— Si je te dis, Salomon, qu’il y a quatre cadavres. Que l’un n’a plus de jambes, un autre plus de bras, que le troisième est décapité, que le dernier s’est fait arracher les yeux, et que tous portent des lacérations sur tout le corps, tu en penses quoi ?

Après une nuit à feu et à sang sur les quais, la journée de jeudi sera-t-elle plus calme à Darkwood et dans la Grande Forêt ? Sans doute pas…

Le Cerf et ses compagnons d’infortune ne sont pas au bout de leur peine dans leur quête au sein des bois sombres d’Another. Le danger les guette et peut se cacher derrière le moindre tronc.

Le périple de l’inspecteur Rhys Overlake, accompagné de la revêche veuve Lisbeth Other, n’est pas non plus une promenade de courtoisie. Les ruelles sordides du quartier de Filenza n’ont pas gagné leur surnom de « jungle » sans raison. Mais pour résoudre le mystère « Else Other », il faut être prêt à se frotter à d’inquiétants individus.

Ça s’agite vraiment en Heaven Forest. Les esprits s’échauffent et le spectre du passé et de la Grande Peste hante les esprits. Camps angéliques et sacrifiés resserrent leurs rangs et chacun se tient prêt.

À l’orée d’une possible nouvelle guerre, la vérité sur les meurtres des derniers jours paraît pourtant à portée de main.

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Extrait

— Nos enquêtes se bousculent en ce moment et nos spécialistes font de leur mieux pour traiter le plus sérieusement chaque cas, rappela le superintendant. Cela nécessite du temps, je vous le répète, madame Other. Une fois enterré, vous ne souhaiteriez pas, dame Other, que mon équipe ait à réclamer un permis d’exhumer si soudain un petit détail demandait à être vérifié ? Vous ne voudriez pas qu’un indice nous échappe ou que par manque de preuves les assassins de votre époux soient acquittés, n’est-ce pas ?
— Évidemment, mais…
— Alors, laissez-nous mener notre travail tranquillement et avec méthode. J’ai pris acte de l’importance de cette affaire. Nous manquons d’hommes en ce moment, comme je l’ai signifié plusieurs fois au duc Piers et à Thames. Cependant, j’ai délégué la tâche exclusive de résoudre ce crime infâme à l’une de nos équipes de détectives. Le lieutenant Overlake sera ainsi tout à vous et au service unique de cette mission.
Oui, tout à toi…
— Ah, non ! s’opposa Lisbeth. Pas lui !
Pas moi ?
— Et pourquoi ? s’enquit le superintendant.
Oui, pourquoi ?
— Parce que je ne le supporte pas ! Il est laid !
Le mot cingla comme une claque. Rhys s’était attendu à tout : étranger, incompétent, irritant, fantasque, de basse extraction, puritain, n’importe quoi, mais pas à cette raison-là. Il se sentit confus. Perdu. Perturbé.
Le superintendant affichait sur sa face longiligne à la barbe blanche un air aussi surpris et perplexe. Lisbeth se rendit compte de ce qu’elle venait de lâcher. Son visage se lissa pour devenir inexpressif et d’une voix neutre, elle admit :
— Je crains que certains mots n’aient échappé au contrôle de mes émotions.
Ce qui signifiait qu’elle n’en pensait cependant pas moins. Rhys se sentait nauséeux, un nœud au fond du gosier.
— En effet, reconnut le superintendant d’un ton froid. Je constate, dame Other, que les derniers événements vous ont beaucoup bouleversée, même si vous savez en donner le change par une certaine dureté. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le détective Overlake est « laid ». Les brûlures et les cicatrices qu’il porte actuellement au visage ne sont que le résultat de l’ardeur qu’il met dans ses missions, allant jusqu’à risquer sa vie pour poursuivre ses enquêtes. Je ne trouve en rien que cela nuise à son image, cela l’honore au contraire. J’ai confiance en mes hommes, madame, et je ne doute pas de mes officiers. Votre mari est entre de bonnes mains. Je pense, en revanche, que vous devriez rentrer chez vous, madame. Le temps et le repos vous aideront à panser votre chagrin et vous permettront de vous reprendre. Lieutenant ?
Ainsi donc, le superintendant avait bien remarqué Rhys depuis le début de la conversation. Lisbeth tourna la tête pour suivre le regard du chef de la police. En avisant Overlake dans le couloir, quelques émotions passèrent brièvement sur son visage, trop vite pour que Rhys note si de la culpabilité ou du regret s’y peignit une seconde. Aussi droit et raide qu’elle, il avança et s’enquit d’un respectueux : « Monsieur ? »
— Veuillez reconduire madame Other à l’entrée et appelez-lui un fiacre afin de rentrer chez elle. À moins, lieutenant, que vous ne souhaitiez profiter de sa présence en ces lieux pour lui poser quelques questions au sujet de l’enquête ?
Il nota l’inspiration soudaine, profonde et inquiète, de Lisbeth.
— Pas à cette heure, monsieur. Un autre aspect de l’affaire retient actuellement toute notre attention, comme vous le lui avez signalé, monsieur.
Voilà. Qu’elle se demande depuis quand il les écoutait. Elle dardait sur lui ses grands yeux bleus aux paillettes froides d’argent. Il soutint le regard et lui rendit le défi. De son côté, le superintendant approuva la décision d’une inclinaison de tête et conclut d’un ton paternel :
— Bien, voilà qui est parfait. Raccompagnez donc la dame, lieutenant détective Overlake. Mes hommages à vos parents, madame Other.
L’esprit encore ailleurs, elle répondit à la civilité par une phrase toute faite. Rhys salua également son patron avant que celui-ci ne retourne dans son bureau et n’en referme la porte. Seuls dans cette partie du couloir, ils s’observèrent longuement. Puis, Lisbeth inspira profondément, replaça derrière son oreille une mèche échappée de son chignon, et se coiffa de son chapeau dont la voilette masquait difficilement l’éclat foudroyant de ses pupilles.
— Inutile de me raccompagner, lui précisa-t-elle. Comme j’ai trouvé mon chemin pour venir parler au superintendant…
Pour passer au-dessus de ma tête.
— … je saurai quitter le poste toute seule. Et puis, je ne voudrais pas vous empêcher de poursuivre vos investigations, vu comme vous êtes occupé.
Il entendit le sarcasme.
— Ou pour aller vous faire soigner.
Et là, le fiel de la pique. Laid, avait-elle dit ? Malade, surtout. Toutefois, il ne la laisserait pas gagner la moindre manche contre lui. Il ne l’accepterait pas. Et quelque part, il songea qu’elle devait aimer ça. C’était une femme de poigne et de défis. Malade… d’elle.
— Il ne s’agit que d’égratignures qui ne nécessitent pas que je perde plus de temps à leur sujet, répondit-il avec hauteur.
— Et vous êtes-vous cassé le nez ? s’enquit-elle d’un ton presque réjoui. Avec ces hématomes sous les yeux, savez-vous que vous ressemblez à un panda ?
— Il est dangereux de provoquer les plantigrades, rétorqua-t-il. Mes adversaires l’ont appris à leurs dépens.
Totalement faux, mais il ne lui laisserait pas l’ascendant psychologique. Quant à sa gueule d’ours d’Alsie, elle allait la contempler plus qu’elle ne le pensait dans les prochains jours, il y veillerait.
— Votre bras, madame ? réclama-t-il en s’emparant de son coude avant qu’elle ne se rebiffe. Suivez-moi.