Tome 1 : Les Mystères de Joux [Sorti le 19 octobre 2020]

1903

Besançon est devenue la capitale de la technologie française. Elle abrite au cœur de la Citadelle qui domine la ville, sous la protection de l’armée, un des instituts de recherche les plus avancés du pays.

Victorien, le fils du directeur, y travaille depuis trois ans comme ingénieur. Il a bercé toute son enfance dans les légendes de la région et rêve de mener à bien la construction d’une machine volante pour partir à la recherche de celle qui hante ses rêves, la mystérieuse Dame Verte.

L’occasion lui est bientôt offerte de donner vie à son projet, mais de la Citadelle de Besançon à la forteresse de Joux où vont le conduire les événements, le chemin va se révéler plein d’embûches.

Les Uchroniques Comtoises sont une série de romans à la croisée des chemins, qui ont pour cadre une Franche-Comté uchronique des années 1900, mêlant steampunk, légendes, Histoire, aventure et romance, au travers de la vie quotidienne des héros.

Les mêmes personnages en sont les héros, mais chaque roman peut se lire indépendamment.

Rachel Fleurotte est née à Vesoul, en Franche-Comté, en 1973.

Si elle vit à Paris depuis ses 20 ans, elle n’a pas oublié ses racines et rend hommage à sa région natale avec cette série de romans qui prend pour décor des lieux emblématiques de Franche-Comté.

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Extrait

10 mars 1903

Les rayons du soleil perçaient au travers du feuillage et nimbaient la surface de l’étang de paillettes d’or. Assise sur un rocher, une femme aux cheveux auburn cascadant dans son dos, vêtue d’une longue robe verte, caressait distraitement la tête du lynx couché à ses pieds comme un gros chat. Les yeux émeraude de la dame ne quittaient pas l’animal qui s’ébattait joyeusement dans l’onde, son escarboucle de rubis posée sur la rive. La Vouivre plongeait, remontait à la surface, puis ébrouait ses ailes, répandant de fines gouttelettes autour d’elle.

Victorien observait ce tableau, le cœur battant, tapi derrière un tronc. Enfin, il avait trouvé celle qu’il désirait depuis si longtemps, cette belle Dame Verte qui hantait ses pensées et occultait toutes les autres femmes. Pétrifié, le jeune homme ne savait que faire : il brûlait d’envie de l’aborder, de lui avouer à quel point elle comptait pour lui et combien il l’avait cherchée dans les forêts de la région… Mais la peur le retenait : peur de la voir s’enfuir à son apparition ou, pire, de l’entendre le rejeter.

Il hésita longtemps, avant d’oser bouger et avancer de quelques pas dans sa direction. Une branche morte craqua sous son pied. Aussitôt, la Vouivre releva la tête, la Dame Verte se leva d’un bond et le lynx scruta les alentours de son regard perçant. Lorsque ses yeux fixèrent Victorien, encore sous le couvert des arbres, il sut que ce dernier l’avait repéré. D’un preste mouvement d’ailes, la Vouivre rejoignit la rive, ceignit son escarboucle et s’envola vers les cieux. Le jeune homme, fasciné, suivit son mouvement qui ne dura que quelques secondes. Lorsqu’il reporta son attention sur la Dame Verte, celle-ci s’était évaporée.

*

Victorien ouvrit les paupières et fixa la pénombre autour de lui avant de soupirer : un rêve, une fois de plus… Très souvent, la nuit, il contemplait en songe celle dont Charlotte lui avait tant parlé depuis sa plus tendre enfance. La légende de la Dame Verte, cette belle fée qui surgissait parfois pour séduire les jeunes hommes, le fascinait. Lorsqu’il avait d’abord osé mettre en doute la véracité de son existence, sa nourrice s’était fâchée en lui assurant qu’elle était bien réelle. Un de ses ancêtres l’avait rencontrée et avait passé plusieurs jours en sa compagnie. Toutefois, ce n’était qu’à son retour de Valempoulières, l’été de ses dix ans, que la mystérieuse beauté avait commencé à hanter ses songes. Elle était si belle que Victorien en était tombé amoureux. Il rêvait de la rencontrer et de lui plaire assez pour qu’elle le garde en sa compagnie.

Afin de forcer le destin, sachant que la dame se cachait dans les tréfonds des denses forêts comtoises, souvent près d’un étang, là où il lui faudrait des jours pour la repérer, il avait imaginé une solution. En secret, à l’aide de ses connaissances et de celles glanées dans des traités d’aéronautique, il concevait un dirigeable de petite taille, avec une nacelle monoplace, pour survoler les forêts et y dénicher les trouées formées par des points d’eau méconnus. L’engin n’existait à l’heure actuelle qu’à l’état de projet, quelques croquis et une maquette soigneusement cachés dans un meuble de son atelier, fermé à clé. Il butait encore sur des points techniques qui l’empêchaient d’envisager sa construction à taille réelle ; seul, il n’était pas sûr de parvenir à son but, mais pour l’instant, il ne voyait pas avec qui échanger sans attirer l’attention. Ernest, avec qui il collaborait activement depuis leur sortie de l’école, avait été muté sur un important projet à l’annexe de l’Institut à Belfort, six mois plus tôt, et il ne le reverrait sans doute pas avant plusieurs semaines.