Pour une bulle d’air, d’Iphégore Ossenoire


Illustration de Brian Merrant

Auteur : Iphégore Ossenoire
Genres : Science-Fiction, Cyberpunk, Anticipation, Piratage
Public : adulte, jeune adulte

Pourra-t-on de nouveau respirer en France ?
Le pays est désormais aux mains des mafias, qui se partagent le pouvoir depuis la chute de la République.
Dans ce monde où l’argent est roi et la pollution, reine, Claire émerge de dix ans de stase avec la chance de tester un nouveau traitement pour ses poumons. Sa sœur, directrice de la sûreté d’une grande entreprise, prend les rênes du projet Aéropure. Son but : assainir la capitale, restaurer la qualité de l’air et raviver la flamme de l’espoir. Ses ennemis ? Elle les attend, l’arme au poing. Peut-être sont-ils parmi ses alliés, hackers de renoms que son patron lui impose, ou dans les derniers embauchés envoyés par les lobbies.
Parviendra-t-elle à triompher entre les piratages, les coups fourrés législatifs et les attaques à main armée ?

Iphégore Ossenoire livre un roman de proche anticipation qui fait la part belle à l’action et laisse transparaître les mésusages du numérique. Une plongée dans le monde sombre et fantasque des geeks, qui vous fera regarder autrement votre smartphone.

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Le mot de l’auteur :

Notre monde est piloté par des ordinateurs. Celui qui nous réveille, celui qui actionne l’ascenseur, celui qui assure la sécurité de la conduite automobile, celui des caisses enregistreuses et ceux, plus lointains, qui stockent ou voient transiter nos mots doux comme nos coups de gueule. Et tout le monde s’en fout.

Par ma profession, je connais l’envers du décor. Les vies brisées, les sociétés qui font faillite, les jaloux qui s’espionnent mutuellement… J’avais envie de mettre en lumière cette partie de notre société aux pieds d’argile, sans que cela devienne une pluie de remontrances. Il faut me comprendre : j’écris d’habitude de la fantasy, de belles histoires sur les relations humaines, avec une grande place à l’imagination. Un roman, c’est avant tout une histoire, une aventure qui transforme le héros et ses lecteurs.

Pour cette aventure, je voulais une héroïne loin des clichés. Nous vivons à l’époque de la déconstruction de l’héritage patriarcal, c’est notre devoir d’en tenir compte. Les relations qu’entretiennent les personnages peuvent parfois choquer, mais c’est aussi l’intérêt de la littérature. La vie n’est pas tendre avec mademoiselle T. qui, en femme d’action, propulse le récit. Elle est directrice de la sûreté, vous savez ? Les armes, ça la connaît.

Le jeune homme qui l’accompagne voit les ordinateurs à sa propre manière. Il les place à son service. Il abuse également du cerveau humain, lequel n’a guère évolué ces derniers siècles. Les faiblesses, multiples et si proches de la réalité, confèrent une dimension piquante à l’histoire. Bien sûr, elles ouvrent à qui le souhaite des réflexions profondes sur notre rapport à la technologie. C’est le principe de la science-fiction.

Nous vivons toujours dans une société de consommation. L’objet reste clé. On produit. Alors, que produire ? J’ai vécu dans l’une des vallées les plus polluées de France, juste avant l’autoroute qui monte au tunnel du Mont-Blanc. Les maladies pulmonaires s’abattent sur les enfants dans l’indifférence générale, à part celle de l’Union européenne qui sanctionne régulièrement la France. Bref, si on fabriquait un véhicule propre ? Une grosse batterie ou une pile à combustible ? Eh là ! De nos jours, nous voyons bien la direction dans laquelle les lobbies ont poussé. Les récentes lois visant à faire disparaître les moteurs thermiques rendent mon histoire encore plus pertinente, actuelle, quand bien même l’ai-je commencée il y a bien des années. C’est comme un bon vin, il en faut, du travail, avant de le savourer !

L’aventure vous attend ! Venez vous amuser, et aussi réfléchir, en compagnie de mes mots. Vous ne serez pas déçus !

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Extrait
— Non mais je vous jure !
— Ne me jurez rien, je ne suis pas un prêtre ! s’amusa Gonthier.
Interloquée, la serveuse sembla se demander si tous les couillons de Paris s’étaient donné le mot aujourd’hui. Mademoiselle T. lui conseilla :
— Ne faites pas attention à ce qu’il dit, c’est de l’humour little endian. Servez-nous plutôt un thé fruité du sieur Dammann à chacun, s’il vous plaît.
Little endian. Une expression à la mode pour excuser l’humour impénétrable des geeks.
La serveuse prit commande sur son terminal et s’éloigna. Gonthier la suivit du regard et songea que Paris serait toujours Paris. Ses habitants entretenaient l’illusion d’un style de vie unique, même si cela impliquait d’offrir son temps à un café associatif. Au-dessous du sixième étage, ce n’était pas un job qui payait.
— Un brin provocatrice, sa jupe, jugea mademoiselle T.
— Assurément envoûtante, répondit un Gonthier perdu dans ses pensées.
Il avait échappé à tout ceci. Lui pouvait flâner ici sans chercher à oublier sa misère. Il ne comprenait que trop bien que la jeune femme préfère tuer le temps à s’occuper de la terrasse, au milieu de la nature domestiquée mais présente, plutôt que croupir dans un immeuble vétuste à guetter un emploi improbable ou dégradant. À force, elle pourrait peut-être y rencontrer quelqu’un de moins infortuné qui l’amènerait à rêver un peu avant de la laisser tomber.
Il n’y avait pas d’ascenseur social. Le monde était aux mains d’entreprises qui agenouillaient les États. Se prélasser au milieu des plantes, avoir pu faire du deuxième étage un havre, c’était un pied de nez à ces magnats ; une fierté parisienne.
La serveuse apporta les tasses. Gonthier régla par une carte sans contact banalisée où figurait un avatar du père de Picsou. Cela ne manqua pas d’attirer l’attention de la serveuse, plus habituée au règlement par téléphone. Elle vérifia par deux fois que la transaction avait bien été enregistrée, puis murmura son étonnement. Gonthier l’éclaira :
— Soixante ans que ce protocole de paiement existe. Il était si parfait, consommait si peu d’énergie qu’il est toujours implémenté dans les terminaux.
— Et dis-moi, petit homme, s’enquit mademoiselle T. soudain espiègle, qui utilise ce moyen au point de faire en sorte qu’il soit toujours implémenté ?
Gonthier ne lui avait jamais connu cet air moqueur et innocent à la fois, un tantinet mutin. Elle arborait un sourire en coin digne d’une pirate. L’ingénieur s’empourpra et la serveuse s’éclipsa discrètement, laissant les deux amoureux à leur joute. Un silence gêné s’installa, rompu par une nouvelle voix provenant de derrière lui :
— Par la mafia.