Les Fiancés de l’hiver, Christelle Dabos, avis d’Audrey Aragnou

Un avis de lecture d’Audrey Aragnou. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ».

Les Fiancés de l’hiver, de Christelle Dabos est le premier tome d’une trilogie intitulée la Passe-miroir.
Ophélie vit dans un monde régi par des familles qui possèdent différents dons. Chacune de ces familles est issue d’un ancêtre aux pouvoirs quasi divins. Ophélie est animiste, c’est-à-dire que les objets prennent vie tout autour d’elle en fonction de ses émotions.

Elle exerce la profession d’archiviste, et dispose de la capacité de « lire » les objets dès qu’elle les touche, percevant tout de leur passé.

La jeune fille est mariée de force à Thorn, appartenant au clan des Dragons. Conduite à la Citacielle, au Pôle Nord, capitale flottante, elle se rend compte rapidement à la Cour qu’elle est la victime d’intrigues qui la dépassent et qui menacent sa vie.

J’ai beaucoup aimé.

On sent vraiment que la trilogie a été pensée dès le départ — le tome 3 va sortir d’ici quelques mois — à des petits détails qui trouvent leur explication au fur et à mesure que le récit avance. Cependant, la romance n’est pas du tout le sujet principal. Cela pourrait être le point de départ, mais passe très rapidement au second, voire arrière-plan du texte.

L’écriture est très belle. Au début, on peut être un peu déstabilisé par cet univers particulier. Cette bibliothèque où Ophélie travaille et qui grince (il faut même prendre les mots au sens premier) parce qu’un visiteur approche, cette écharpe qui s’entortille autour du cou de la jeune fille en permanence (car le textile est doué d’états d’âme)… On est plongé dans une profusion, abondance de détails qui peuvent noyer le lecteur dans un premier temps.

Mais il y a cette ambiance. Ces familles, aux étranges pouvoirs, liées par une Déchirure originelle dont on apprend quelques bribes au fur et à mesure (et on devine que ce sera l’enjeu du tome 3), ces personnages, très bien campés, très beaux, très poétiques : Ophélie, d’abord, dissimulée derrière son écharpe et ses lunettes, à qui personne ne donne une seule chance de survie, et qui s’échappe à travers les miroirs. Sa tante qui veille sur elle, en l’accompagnant au Pôle et qui fait tout pour elle. Et Thorn, ce géant auquel elle est fiancée de force, dont les motifs sont bien obscurs et auquel on s’attache au fur et à mesure.

La relation entre Ophélie et Thorn est magnifique. Pleine de doutes, de réserves, de tensions, d’une confiance qui va éclore progressivement, très crédible, en somme. On est fasciné par Thorn, et on le déteste aussi parfois, puisque l’histoire est vue essentiellement à travers les yeux d’Ophélie, le lecteur apprend ce qu’elle apprend.

Les personnages secondaires sont tout aussi captivants. La tante de Thorn protège simultanément la jeune fille et parfois semble la menacer. Un enfant chevalier rôde autour d’Ophélie et en veut à sa vie… Que dire de la Cour ? Ses membres évoluent dans un monde imprégné de magie, où certains clans ont le pouvoir de tendre des illusions optiques, d’autres de les défaire.

Ce roman est inclassable. Dès qu’Ophélie est au Pôle, nous sommes plongés dans une intrigue semblable à celles que l’on imagine très bien à Versailles, sous Louis XIV, un monde sans pitié. On en est exclus, rejeté parfois même éliminé au sens strict du terme. Empoisonnements, mises à mort, manipulations mentales jusqu’à la folie.

Passé le premier moment où on est un peu déstabilisé, on ne lâche pas le roman. J’ai dévoré. Et j’ai enchaîné le tome 2 immédiatement.

Les Fiancés de l’hiver est un roman initiatique, un portrait de personnages, et puis autre chose… qu’on pressent dans ce premier tome et qui se développe à partir du Tome 2.

Les Fiancés de l’hiver, trilogie de la Passe-Miroir, de Christelle Dabos
Type : Fantasy
Éditeur : Gallimard Jeunesse, 518 pages, 18 €
Sorti en 2013

— Audrey.