La porte des Enfers, de Laurent Gaudé, avis d’Audrey Aragnou

Un avis de lecture d’Audrey Aragnou. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ».

A Naples, Filippo Scalfaro n’a plus peur. Il est en effet revenu des Enfers et s’apprête à enfin accomplir sa vengeance.

Et de récit à la première personne du singulier, la bascule s’effectue à la 3ème personne, à l’époque où enfant, il cavalait derrière son père. Tout commence par la mort de Filippo, que Matteo, son père n’a pas pu empêcher. Le garçonnet a été assassiné sauvagement en 1980.
Le texte alterne entre passé et présent où le revenant prend la parole pour dérouler l’étrange chronologie des faits qui ont amené à sa résurrection et à sa vengeance.
Ce roman est l’histoire de trois personnages : celle de Filippo, revenu d’entre les morts et décidé à briser son assassin, celle de Matteo, son père, qui avait promis à Giuliana, sa femme, de ramener leur fils d’entre les tombes, et de cette femme bouleversée et devenue folle de chagrin, rongée par le désir de réparation.
Naples devient peu à peu un terrain fantastique où la nuit, dans des bars étranges, se rencontrent des personnages aux conversations décalées sur la vie et la mort. Matteo, traînant sa souffrance, en pleine errance, se lie avec de curieux amis : un prêtre, Don Mazerotti, Grace, prostituée transgenre et un autre homme, le professore, persuadé qu’il existe dans la cité italienne des points de passage entre la vie et la mort. Ainsi naît l’idée, pour Matteo, le père endeuillé de chercher son fils à travers la porte oubliée de Naples.

Laurent Gaudé, une fois de plus, nous plonge dans un roman de vengeance, de sacrifices, où ses héros, à la frontière symbolique entre la mort et la vie, sont en quête de sens dans un texte initiatique. Avec de nombreuses références à l’Enfer de Dante, cette œuvre nous transporte dans une Italie imprégnée de violence et de mort, de promesses et d’engagements que les personnages sont prêts à tout pour respecter. La construction chronologique, entre 2002 et 1980 trace progressivement le fil du destin et montre comment le fils, Filippo revenu d’entre les morts grâce au sacrifice de son père, tient la promesse que ce dernier a effectuée à Giuliana avant qu’elle ne sombre dans la folie.

Une fois de plus, Laurent Gaudé écrit un texte superbe, où les liens de sang tiennent une place capitale. Les enfants, tout comme dans Salina ou la mort du roi Tsongor achèvent les cycles familiaux pour libérer enfin les esprits torturés de leurs aïeux.

— Audrey.