Un avis d’Iphégore Ossenoire. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ».
Eh bien, eh bien ! Première chronique de l’année en août… À croire que le temps a filé ! Je n’ai pas eu de trêve liée au confinement, bien au contraire, mais me voilà au bout des quelque quatorze heures de lecture de la Soudaine apparition de Hope Arden, un roman de Claire North, traduit de l’anglais par Isabelle Troin et lu par Manon Jomain.
L’éditeur Hardigan a glissé ce livre audio dans ma besace lors de l’opération #confinementlecture, portée par plusieurs éditeurs qui offraient des livres numériques chaque jour. C’était une bonne idée de leur part, et j’espère que la prochaine qu’ils auront, ce sera d’indiquer le nom de l’acteur qui lit les livres sur la page de leur site. D’une manière générale, j’aime bien savoir qui traduit et qui lit, et j’aimerais aussi avoir dans le livre qui corrige, un peu à la manière des génériques de film. Qu’on cesse de croire au mythe de l’auteur isolé.
Bref. L’histoire est celle de Hope Arden, une jeune femme londonienne dont personne ne se souvient. Dès que vos yeux la quittent, vous l’oubliez. Il n’y a que les ordinateurs qui n’oublient pas. Évidemment, elle aimerait devenir mémorable, mais pour le moment, elle vole. Avec brio. Sans blessé. Sans accroc. Un jour, son larcin met en péril la finalisation d’un contrat juteux pour Prométhéus, la multinationale qui édite l’application Perfection. Perfection est votre compagnon mobile pour atteindre… la perfection. Elle scrute tout, de vos déplacements à vos repas en passant par vos transactions bancaires et les personnes que vous fréquentez, puis elle vous recommande d’aller dans telle boutique (avec un code de réduction), de faire tel stage, de vous mettre à pratiquer tel sport. En retour, elle octroie ou soustrait des points à votre profil. Certains paliers donnent accès à des avantages exclusifs pour la caste sociale qui a atteint ce score. Il est ainsi possible, outre la chirurgie esthétique, de faire reprogrammer son cerveau. Génial.
Il y a bien entendu les laissés pour compte, les gens qui ne sont pas assez bien pour Perfection, qui sont jugés par ceux qui y prétendent (à la perfection). L’une d’eux (c’est ma version de l’écriture inclusive 🙂 ) se suicide alors que Hope lui avait parlé et l’avait trouvée normale, c’est-à-dire qu’elle utilisait son esprit critique. Alors, Hope décide d’enquêter sur Perfection à la fois pour rendre justice et pour trouver un moyen de devenir mémorable…
C’est un roman assez long, dans tous les sens du terme. De nombreux sujets liés à notre société sont abordés, au-delà des technologies. On croisera le sort des femmes aux Émirats arabes unis, la pollution des océans ou les études neurologiques. Dans les délires du personnage principal, ou plutôt dans sa rigueur mentale qui lui évite de devenir folle, l’auteur explore de nombreux faits qui remettent en perspective notre monde. Cela donne un intérêt à l’ouvrage, sans lequel il m’aurait manqué quelque chose pour poursuivre. La psyché de Hope est bien travaillée et demeure cohérente dans son évolution, même si je lui aurais bien mis quelques baffes.
La lecture est d’une grande qualité. Certes, Hardigan ne joue pas dans la cour des adaptations de BBC Sounds, qui est ma référence en la matière : une spatialisation du son parfaite, des acteurs multiples et un environnement sonore aux petits oignons. Ici, nous avons une lecture d’une seule voix, et pour connaître la difficulté de l’exercice, je sais qu’on ne peut pas tricher au long de quatorze heures d’enregistrement. Manon Jomain insuffle une vie authentique à Hope Arden, et les autres personnages sont correctement distanciés. C’est très plaisant à écouter.
Je vous souhaite d’avoir pu passer une rentrée la moins chaotique possible, et que cela vous laisse tout le temps de vous immerger dans vos mondes préférés !
— Iphégore.