Le combat d’hiver, Jean-Claude Mourlevat, avis de Audrey Aragnou

Ce jour-là, dans son établissement scolaire, Hélène se lève de l’étude et demande à Milena de l’accompagner chez Paula, sa “consoleuse”. Elle ignore qu’elle vient d’enclencher une série d’événéments qui changeront sa vie et celle de ses camarades.


Hélène a dix-sept ans. Elle est interne depuis quelques années, et on decouvre rapidement que ses parents sont morts. Orphelins, ils le sont tous, dans ces internats répartis dans un pays dont on ne saura jamais le nom. Deux fois par an, ils se rendent chez leur “consoleuse”, femmes réconfortantes qui leur préparent un bon repas et jouent le temps de deux heures seulement le rôle de “maman”.
Les filles et les garçons sont isolés, ont peu de contacts, les rares messages passent par un homme surnommé le “putois” qui les transporte dans sa charrette où il ramasse le linge sale.


Ainsi lorsqu’Hélène et Miléna rencontrent sur un pont Milos et Bartoloméo, qui reviennent aussi d’une visite chez leur consoleuse, l’occasion est trop belle. Pendant qu’Hélène se rend chez Paula, Miléna s’échappe avec Bartoloméo et rejoue sans le savoir l’histoire de leurs parents.
En effet, ces adolescents sont en réalité les enfants de résistants morts, qui se sont dressés contre la Phalange, tyrannie qui s’est instaurée quelques années auparavant. Le père de Bartoloméo et la mère de Milena étaient les chefs de file de la lutte et ont été mis à mort par les hommes-chiens, étranges créatures hybrides qui sont également lancés à la poursuite de Bartoloméo et Milena.
La jeune fille possède la même voix extraordinaire que sa mère, cantatrice. Ces adolescents ravivent la résistance dans le cœur des hommes et des femmes. Le peuple courageux des hommes-chevaux, peuple hybride comme les hommes-chiens, est prêt à se sacrifier pour Bartoloméo, digne fils de son père. Dans un pays aux mœurs barbares où tout se délite, Hélène part de son côté pour retrouver Milos, enlevé et condamné à jouer sa vie dans une arène comme les gladiateurs à Rome.

Ce très beau récit raconte une lutte et pose des questions comme la liberté, l’engagement, la responsabilité. Dans ce pays hors du temps et hors des frontières, se joue l’histoire de toutes les dictatures et de toutes les résistances. Les personnages principaux en cotoient d’autres, auréolés de mystère –et c’est tant mieux : les inquiétants hommes-chiens et les touchants hommes-chevaux. La fin (que je ne spoilerai pas) est mi-amère mi-douce, comme dans les récits de Jean-Claude Mourlevat.

A lire et à relire, pour le souffle et l’émotion qui animent le récit.

— Audrey.