Un avis d’Iphégore Ossenoire. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ».
On m’a dit : « c’est génial, je l’ai lu d’une traite ! » J’en ai déduit que ce serait écrit très simplement, et que ce serait l’occasion d’une pause dans la plume recherchée, celle qui touille notre langue pour en extraire un jus savoureux. Que voulez-vous, on ne se refait pas !
Le Magasin des suicides est un lieu tenu depuis des générations par la même famille. Vous n’y trouverez que des articles de qualité pour ne pas manquer votre dernier coup. Mais voilà, sur un préservatif poreux, le troisième enfant s’en vient, et il est raté : Alan est d’une heureuse et indéfectible innocence. Son frère est en proie à des migraines permanentes et tiendrait sans effort un rôle de tueur en série au hachoir ; sa sœur ne supporte pas sa propre apparence et aimerait bien se suicider, mais c’est impossible dans cette famille, car qui servirait alors les clients ?
Nous suivrons l’évolution de cette famille aux antipodes de la convenance sociale pour la voir chamboulée par le cadet. Alan, à la gloire d’Alan Turing qui brisa Énigma avant de se suicider avec la pomme qui lui avait servi de modèle pour un tableau.
Jean Teulé nous propose une plume fluide, simple, qui nous conduit d’idée en idée. Quel sera le prochain article de suicide qui sera vendu ? Que deviendra Alan au contact de ces déprimés ? On s’amuse de sujets bien graves, et c’est là un jeu que j’ai particulièrement aimé mettre en place lorsque j’ai écrit la Déferlante. Se réjouir pour une fois de ce qui nous ennuie d’habitude, c’est passer un bon moment.
C’est une lecture sans prise de tête, idéale pour l’avion, le train ou la navette spatiale. Avec ses 157 pages, il est bien taillé pour servir cette idée originale. Sortir de ses habitudes de lecture, c’est prendre un bon bol d’air avant d’y revenir. N’hésitez pas !
— Iphégore.
Le Magasin des suicides, Jean Teulé, Pocket, 978-2-266-17927-0