Les Enfants de Tergaïa, Isabelle de Janville, avis d’Iphégore Ossenoire

Un avis de lecture de l’irascible Iphégore Ossenoire. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ». 

CouvertureOn m’a collé ce livre dans les mains. J’en ai lu le titre : les Enfants de Tergaïa. Bon, les titres comme les quatrièmes de couverture, ç’a jamais été mon fort, alors j’ai ouvert le livre. J’en ai lu les deux premières pages, puis je l’ai feuilleté. Un paragraphe de-ci, de-là. Avec l’expérience, je pèse tout de suite un livre pour séparer le bon grain de l’ivraie. Pendant ce temps, on me le vendait en des termes qui ne m’atteignaient pas. Je l’ai tout de même emprunté, parce qu’on ne sait jamais. Puis je l’ai ouvert.

Je veux dire, vraiment ouvert. Je n’ouvre un livre qu’une seule fois. Pas dans le rayon d’une librairie ou au pied de la bibliothèque d’un ami. Là, je le feuillette, je le tâte comme la belle pâte d’un fromage. Quand j’ouvre un livre, je suis paré pour l’aventure. Je suis confortablement installé, un thé à portée de main, au calme. Je suis volontaire pour me laisser happer.

Et pourtant, je reste terriblement critique. Sur la forme surtout. Le style. Pour les Enfants de Tergaïa, c’était raté. L’écriture est maîtrisée, facilement accessible, mais il lui manque cette touche indéfinissable qui peut me pousser à un livre juste pour son écriture. Un livre, rarement deux. Les Lames du Cardinal, par exemple. C’est bien écrit, c’est vraiment agréable. Sauf que l’histoire ne m’emballe pas, donc qu’à la fin du tome, je l’ai rangé parmi les orphelins.

Il y a un niveau d’écriture en deçà duquel le livre ne franchit pas ma pesée. Et il y a des livres d’éditeurs qui ne franchissent pas cette étape. En ce qui concerne les Enfants de Tergaïa, il n’y a pas à renâcler : l’écriture est maîtrisée. Elle n’est pas extraordinaire, c’est tout.

Alors viennent l’histoire et les personnages. Ou les histoires. Dans ce roman, deux récits se poursuivent comme des amants. D’abord indépendantes, puis qui flirtent l’une l’autre pour s’unir enfin dans une épopée de pure fantasy. La structure narrative est un piège à loups. Elle présente une allure anodine, avec son héros qui rejoint une école pour surdoués. Un lieu où les savants semblent chercher la recette de l’intelligence ou de la télépathie selon les expériences. Et une fois la patte engagée, la deuxième histoire commence. Un monde dévoré par le mal, et un enfant sur le point de passer le rite initiatique qui définira sa caste. Entre ces deux histoires, un rêve qui s’étendra au fil des nuits pour lier ces deux personnages. Le piège se referme et je me découvre à aller de chapitre en chapitre, à geindre quand je dois reposer le livre, et à sauter dessus à la moindre occasion, au point de renoncer à mes parties habituelles de jeux en ligne, c’est dire !

Le gamin du monde en proie à la destruction pourrait bien terrasser le seigneur qui l’oppresse si le télépathe de notre monde lui rendait visite. Encore faut-il trouver le chemin de Tergaïa. Encore faut-il se douter que derrière les scientifiques menaçants, il existe une confrérie qui s’est déjà rendue dans l’autre monde, et qu’ils cherchent d’autres membres de leur tribu. Et que faire quand, dans notre monde, l’alter ego de Tergaïa prend le contrôle du télépathe et le fait combattre son rival de classe jusqu’au sang ? Les personnalités et les expériences se confondent. Les élèves se découvrent.

Ah, ces personnages ! Leur psyché différente et riche, mais surtout, ô surtout ! les relations qui les lient. Il y a dans ce roman quelque chose d’unique, quelque chose que je n’avais pas croisé auparavant, dans la manière de dépeindre et de lier les héros. La couleur de ce récit ne vient pas de son style au sens littéraire, mais de cette touche très personnelle de l’auteur qui nous fait nous sentir en famille, dans la bonne famille, et nous rappelle au sens des relations interpersonnelles.

Certes, cela ne suffit pas à faire un livre. Lorsque le télépathe s’embarque pour Tergaïa en compagnie de son rival, lequel le plante là pour aller se faire tuer au bout de la rue, que fera le héros ? Retrouvera-t-il aussi l’enfant qui doit terrasser l’oppresseur, ou sera-t-il empêché par les cavaliers de ce dernier ? Et comment vont-ils faire, ces deux gamins, pour triompher ? Le dernier tiers du récit est une furie de fantasy comme j’aime à les lire. Il y a de quoi passer un agréable moment. Que demander de plus à un livre ?

Enfin si, je vois quelque chose à améliorer dans ce tome 1. L’éditeur a laissé un trop grand nombre de coquilles qui ternissent un peu l’ouvrage, mais n’empêche pas de savourer le travail de son auteur.

— Iphégore.

Les Enfants de Tergaïa, d’Isabelle de Janville, aux éditions Altess, ISBN 2842432177