Monstress, de Marjorie Liu et Sana Takeda, avis de Catherine Loiseau

Un avis de lecture de Catherine Loiseau. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ». 

Monstress

Cela fait un petit moment que ce comic me faisait de l’œil, j’en avais entendu parler sur le net et je l’avais feuilleté en librairie. J’ai eu le 1er tome à Noël et, dans la foulée, j’ai acheté le 2 et le 3. Autant vous dire que Monstress m’a plu.

Monstress se déroule dans un univers assez inspiré par l’Asie du début du XXe siècle (ambiance fantasy légèrement steampunk, voire science-fantasy). Dans ce monde, quatre races cohabitent difficilement : les chats, les humains, les anciens (sortes de déités mi-animales mi-humaines) et les arcaniques (hybrides humains et anciens).
Ces quatre races se sont affrontées, mais observent désormais une paix fragile suite à la destruction de la ville de Constantine dix ans auparavant. En effet, une arme puissance y a été activée, mais aucun des camps ne sait de quoi il s’agit et préfère donc rester sur ses gardes.

Dans ce contexte troublé entre en scène Maïka Demi-loup, une jeune arcanique à qui il manque un bras (on apprendra plus tard pourquoi).
Maïka est vendue comme esclave aux redoutables Cumaea, nonnes sorcières qui utilisent les dos des arcaniques pour récolter leur magie. Mais Maïka est loin d’être une jeune fille sans défense : elle a un plan et des pouvoirs insoupçonnés. Elle cache en plus un lourd secret, hérité de sa mère, la mystérieuse Moriko Demi-loup.

Ce comic est très riche, et ça se ressent déjà dans le dessin. C’est beau. Vraiment.
L’art est à tomber, les vêtements, les décors, les armes, tout est travaillé et très cohérent. Les personnages sont splendides, on se régale à chaque page : femmes-loups, arcaniques requins, enfant renard, le design est riche. C’est vraiment magnifique.

L’histoire est très complexe : il y a beaucoup de personnages, beaucoup de factions, tout ce petit monde se tire allégrement dans les pattes. C’est noir et il n’y a pas beaucoup d’espoir (vous êtes prévenus !).
Tout ceci est très prenant, on découvre vite que Maïka abrite en elle une créature féroce (qui fait d’elle la « monstress » du titre) et qu’elle a sa part de responsabilité dans la destruction de Constantine.
Le scénario est malin et bien ficelé, car au fur et à mesure qu’on progresse, des éléments trouvent leurs réponses, mais ces mêmes réponses génèrent d’autres questions. Le mystère s’épaissit, on découvre de nouvelles ramifications à l’intrigue, des implications à certaines actions, des secrets des personnages.
Beaucoup d’éléments ne sont pas dits clairement, notamment sur les relations entre les personnages, ou leurs motivations. C’est au lecteur de suivre et de décoder les indices donnés.
Et c’est très addictif !

À l’instar de l’histoire, les personnages sont également très complexes et nuancés. Maïka est dure, à la limite de la sociopathie par moments. Elle est bornée et brutale et pourtant touchante.
Autour d’elle gravitent des personnages aux buts troubles : Ren le chat, allié pour l’instant, mais qui a visiblement sa propre mission ; Tuya, compagne d’infortune de Maïka et qui a visiblement caché beaucoup de choses à la Demi-loup ; Moriko, mère disparue de Maïka, et dont l’ombre continue de planer sur le monde… Même des personnages en apparence anodins, comme Kippa, adorable jeune renarde qui s’attache à Maïka, sont plus complexes qu’il n’y paraît.

Autre chose qui m’a beaucoup plu au sujet des personnages : presque tous les personnages principaux sont des femmes. Ça change des histoires masculines, et ça fait du bien !

Si je devais faire un reproche à ce comic, c’est plus au sujet de sa fabrication.
Certaines des planches ont visiblement était assombries à l’impression (quand on compare avec celles qu’on peut trouver sur Internet). Du coup, on perd des détails et c’est dommage, vu qu’il y a pas mal de scènes nocturnes (notamment d’action).
La gouttière du livre est également un peu étroite : le comic ne s’ouvre pas toujours très bien, et là aussi on perd des éléments.

Malgré ces bémols, c’est une œuvre que je conseille vivement, et dont j’attends la suite avec impatience !

— Catherine.