Silo, de Hugh Howe, avis d’Audrey Aragnou

Un avis de lecture d’Audrey Aragnou. Souvenez-vous : « autant de têtes, autant d’avis ».

Après avoir lu Les fiancés d’hiver, j’avoue qu’il m’avait fallu une réelle motivation pour replonger dans un autre roman. Sur l’avis enthousiaste d’une amie qui, les périodes où je n’ai pas le temps, effectue le « tri sélectif » parmi les livres, je me suis donc lancée dans Silo, de Hugh Howe.

Au départ, j’étais un peu sceptique. Je me suis dit « un roman post apocalyptique, je sais pas si ça va me mettre de bonne humeur », «  Qu’est-ce qu’ils ont encore tous ces fous à vivre dans un silo, on va encore nous refaire le coup de la bombe nucléaire ».

Dès les premières lignes, j’ai changé d’avis. Ce qui m’a attrapée, c’est le style. Bien sûr, c’est une traduction à laquelle j’ai eu affaire, donc on suppose qu’il y a un peu trahison… Mais quand le personnage initial monte les escaliers – et symboliquement, c’est la marche à l’échafaud, il est condamné à mort- et que l’écrivain écrit «  Les marches, comme les bottes de son père, présentait des signes d’usure », j’ai été conquise. Cette phrase brève est à mes yeux d’une poésie incroyable et c’est ce que j’ai retenu de ce livre. Les personnages sont attachants, posent de vrais questions et ne donnent jamais de réponse… on ne saura jamais pour quelle raison tous ces hommes sont enfermés dans ce silo, ni ce qui s’est passé sur la planète.

Tout ce ce que l’on sait, c’est qu’il y a un interdit : ne jamais sortir. Y penser est déjà un crime. Ceux qui osent braver la règle sont éjectés à l’extérieur, envoyés « au nettoyage », vers une mort certaine, et tous, sans exception répètent le même comportement : une fois dehors, ils nettoient la seule vitre du silo, unique fenêtre sur le monde, en se dirigeant vers les collines ravagées de l’extérieur encore soumises aux radiations, alors que, livrés à eux-mêmes, ils pourraient ne pas effectuer ce nettoyage.

Ce livre m’a déroutée et c’est ce qui m’a plu. Ce premier personnage auquel on s’attache dans les premières dizaines de pages va être très vite écarté, au bénéfice d’un autre, qu’on croit être le héros, et qui va être balayé tout aussi rapidement. Mince alors, me suis-je dit, qui doit-on suivre ?

Finalement, ils sont nombreux, et même les personnages secondaires reçoivent un beau traitement sans tomber dans le manichéisme.

Entre Lukas, qui veut observer les étoiles dans un lieu aussi clos qu’une prison, Juliette, mécano brillante qui va impulser la révolte pour sortir de ce silo où les hommes sont maintenus à coup de mensonge… et en même temps, même Bernard, à la tête du silo, qui pourrait passer pour le sale type de service et le tyran pose des interrogations pertinentes : que doit faire le pouvoir en situation de crise ? Quelle est sa légitimité ?

Je crois que ce n’est pas tant un livre d’action qu’un livre de personnages (même si l’insurrection menée suite au départ de Juliette est un des moments forts du récit). C’est surtout ce que j’en retiens. C’est par la poésie du style et des portraits qu’on échappe au récit post-apo classique, c’est ce que ce roman apporte. On descend et on monte ces escaliers infiniment longs avec ces héros de tous les jours, et cette forme de lenteur m’a beaucoup touchée. Pas des super héros, des personnages qui font ce qu’ils peuvent et qui sont profondément touchants, car ils sont vrais.

— Audrey.

Silo, série, de Hugh Howey
Type :SF
Éditeur : Acte Sud, 23 €
Sorti en 2012