Par Rachel Fleurotte.
Quand débute un projet de roman, plusieurs questions se posent, notamment le choix du ou des personnages point de vue.
Pour rappel, il s’agit de celui ou de ceux qui guideront le lecteur par leurs yeux, que la narration soit à la première ou à la troisième personne.
Ce choix va déterminer l’orientation du roman, notamment sur ce que connaîtra le lecteur au fur et à mesure qu’il avancera dans le roman.
Dans le cas d’un unique personnage point de vue, tout le roman se déroulera avec le héros, et le lecteur apprendra tout en même temps que lui, sans en savoir plus.
Cela peut créer une proximité avec le personnage principal, mais limite aussi les informations distillées.
C’est le choix que j’ai fait pour les Uchroniques Comtoises : dans les Mystères de Joux et La Foire de Vesoul, Victorien est dans tous les chapitres et toute l’action est suivie de son point de vue.
Cette option peut se révéler réductrice, surtout quand d’autres personnages prennent de l’importance au fil de l’avancée du récit. Une possibilité est de rajouter une ou deux scènes avec un point de vue extérieur quand le chapitre le permet, ce que j’ai utilisé dans les Mystères de Joux pour en révéler un peu plus sur un des personnages et approfondir ses liens avec Victorien.
Pour les suites, j’envisage de passer à deux personnages point de vue, à la fois pour étoffer le rôle d’un des protagonistes qui prend de plus en plus de place au fil de l’histoire, et enrichir le roman d’un second arc quand les personnages ne sont pas réunis.
L’option du double point de vue permet de varier le récit en offrant plus d’informations au lecteur qui peut avoir un coup d’avance sur le protagoniste. Elle permet de manier des techniques comme l’ironie dramatique, et crée plus de complicité avec le lecteur.
Le double point de vue peut aussi opposer dans la structure du roman le protagoniste et son antagoniste. Cette alternance augmente la tension et la sensation de danger dans un récit d’action, au fur et à mesure où les plans de l’adversaire se dévoilent.
Ce type de structure alterne les chapitres ou les scènes à tour de rôle pour chacun des points de vue, et peut faire monter le suspense en s’arrêtant au moment le plus haletant.
Pour des intrigues plus complexes, où interviennent un grand nombre de personnages, la multiplication des points de vue amène à ce qu’on nomme un « roman choral ».
C’est le choix que j’ai fait pour ma série de fantasy, La Septième Prophétie, dans laquelle s’affrontent deux factions. Au fur et à mesure de l’écriture, des personnages point de vue se sont détachés dans chaque camp, pour arriver au final à une dizaine d’entre eux, dans des arcs qui se déroulent en parallèle, avant de s’entremêler au bout d’un moment.
Le roman est plus dense et permet de varier le style selon les personnages, car chacun peut avoir ses propres caractéristiques, dans son caractère et aussi sa façon de parler. Il réclame toutefois plus de travail d’écriture et de planification, car il faut à la fois conserver un équilibre entre les personnages et vérifier que tous les arcs soient bien bouclés à la fin du récit.
Le risque est aussi d’alourdir le texte si on raconte un même événement de plusieurs points de vue, et il vaut mieux opter pour un seul protagoniste, le plus adapté, pour éviter les redites.
— Rachel