Par Catherine Loiseau
Les « trigger Warnings », qu’on peut traduire grossièrement par « avertisseur de déclenchement » en français (oui, je sais, c’est un peu moche) sont un terme assez en vogue ces derniers temps.
Trigger warnings, ça désigne simplement un avertissement qu’on met généralement début d’œuvre et qui prévient le spectateur, ou le lecteur, d’un contenu potentiellement difficile.
Si vous êtes familiers des plateformes de streaming type Netflix ou Amazon, vous avez sûrement déjà vu passer ces petits encarts en haut à gauche de l’écran, qui vous avertissent que l’épisode aura un contenu violent ou sexuel, qu’il abordera des thématiques comme le suicide.
Mais, vous avez aussi des triggers warnings un peu plus… surprenants pour des Français, dirons-nous. Comme « langage grossier », « consommation d’alcool » ou « tabagisme ».
C’est un des reproches que les détracteurs des triggers warnings font : tout est susceptible de choquer. Il faudrait protéger tout le monde et surtout ne pas choquer.
Je comprends la dérive. Oui, comme pour tout, il y a des extrêmes et des extrémistes. Mais on va éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.
J’avoue que j’étais un peu dubitative au sujet des trigger warnings moi aussi, mais des personnes dans mon entourage ou sur les réseaux sociaux en ont parlé.
Les triggers warnings ont au départ pour but de prévenir la réactivation de traumas. L’idée, c’est de prévenir les personnes qui ont vécu une agression sexuelle, une situation violente etc., que le contenu peut réactiver les traumas.
Parce que oui, se confronter à ce qui a été traumatisant au travers d’une œuvre de fiction peut aider. Encore faut-il que ce soit le bon moment pour la personne. Et qu’elle puisse choisir en connaissance de cause d’affronter ou non cette part sombre.
Pour ces raisons, quand Hydralune a accepté la publication de Myriade et que nous avons lancé le travail éditorial s’est posée pour moi la question des trigger warnings.
Myriade est un roman de dark fantasy mettant en scène les destins de cinq personnages, qui s’entrecroisent au sein d’une ville tentaculaire, où trahisons et complots sont les sports nationaux.
Le roman est sombre et se termine dans le sang et les larmes.
Il aborde aussi des thématiques difficiles : violence physique et morale, emprise mentale, automutilation, suicide.
Myriade n’est pas un roman que je recommanderai à tout le monde, beaucoup de lecteurs l’ont adoré, mais je sais aussi qu’il risque d’être trop sombre pour certaines personnes. Et je n’ai pas envie de réactiver des traumatismes chez des gens qui chercheraient juste un peu d’évasion par la lecture.
J’ai donc pris la décision de mettre des trigger warnings pour Myriade.
La question s’est ensuite posée : où les mettre dans le roman ?
Au début ? L’avantage, c’est que les gens sont fixés directement. L’inconvénient, c’est que ceux qui veulent éviter les trigger warnings pour ne pas se faire spoiler vous y avoir droit.
À la fin ? C’est moins visible, mais du coup, on prend le risque que ce soit invisible.
En parlant avec l’équipe d’Hydralune et notamment avec Andréa Deslacs, nous avons pris la décision de placer une mention en début, renvoyant à la dernière page du livre pour les trigger warnings.
Comme ça, tout le monde y trouve son compte. Ceux qui veulent les éviter ne vont pas voir la dernière page. Ceux qui veulent les consulter sont rassurés.
De plus, avoir les trigger warnings en dernière page les rend facilement accessibles pour moi.
J’ai eu plusieurs fois le cas de petites jeunes filles de 13/14 ans, clairement trop jeunes pour le roman, mais qui avaient flashé sur la couverture et voulaient absolument acheter le roman.
Un petit coup d’œil aux trigger warnings pour les parents suffit à les convaincre de ne pas acheter ce roman pour leur fille.
Oui, je perds une vente, mais je préfère que mon roman soit lu par des gens pour qui c’est le bon moment. Je ne veux pas que quelqu’un de trop jeune ou trop fragile souffre à cause de mon histoire.
Voilà mon expérience au sujet des trigger warnings, de pourquoi j’en ai mis dans Myriade et de comment j’ai décidé de les mettre en forme.
Dites-moi en commentaire ce que vous pensez des trigger warnings dans les romans.
— Catherine